Tribune signée par Maxime ELONG, Country Director HUB2 Côte d’Ivoire.
La Crise : Cette grande opportunité !
Ou ce que le Covid-19 révèle sur l’importance de la transformation digitale de la Côte d’Ivoire.
La transformation digitale de la société ivoirienne est devenue un sujet majeur. Il y a malheureusement encore un écart important entre les discours et les réalisations. Mais la crise du covid-19 pourrait accélérer le processus. A condition de voir plus loin que les urgences.
Mesures institutionnelles sous contrainte
Le gouvernement ivoirien semble avoir pris conscience de la possible contribution des solutions digitales dans la riposte. L’une des mesures annoncées par le Président de la République concernait la mise en place d’un système d’alerte et de suivi utilisant les NTIC. Le plan de soutien économique, social et humanitaire dévoilé par le Premier Ministre, engageait entre autres l’Etat à assurer les cours à distance pour tout le système éducatif. La BCEAO a quant à elle pris huit mesures majeures de riposte, parmi lesquelles la négociation avec les entreprises de monnaie électronique de la réduction des coûts de transaction, pour encourager les populations à une plus grande utilisation des moyens de paiement digitaux.
Plans de crise dans les entreprises
Dans le secteur privé, une majorité d’entreprises ont mis en place le télétravail partiel ou total. Les mécanismes digitaux permettant aux clients d’accéder aux services habituels et d’effectuer des paiements ont été renforcés ou initiés. Certains établissements hospitaliers comme la Pisam ont lancé un service de téléconsultation médicale. Les exploitants de drones ont mobilisé leurs technologies au profit de la sensibilisation, de la détection en masse de cas suspects, et de la désinfection des lieux publics. Le commerce en ligne avec livraison à domicile a été reconsidéré comme une option incontournable pour de nombreuses entreprises au modèle commercial très traditionnel.
Ainsi, en quelques semaines, tous les acteurs majeurs de la société sont donc passés des bonnes intentions de transformation digitale aux actes, avec une agilité parfois surprenante. C’est Bob Marley qui a peut-être résumé à la perfection comment comprendre la capacité de résilience qu’une société peut développer face à une crise gravissime en disant ceci : « Vous ne savez jamais à quel point vous êtes forts jusqu’au jour où être fort reste la seule option ».
Voir plus loin que la crise
La transformation digitale des sociétés africaines n’est pas une fantaisie dont les évangélistes les plus avisés seraient donc des imposteurs. Le Covid-19 nous l’enseigne avec froideur. La preuve en est que plusieurs problématiques induites par cette crise sanitaire ne trouveront solution que dans des innovations digitales. Mais après la crise, il faudra considérer que les enjeux liés à ces problématiques ne deviendront pas moins importants. Et c’est là que se situe l’opportunité.
Car, les évolutions que la digitalisation peut par exemple apporter dans nos systèmes sanitaires en cette période de crise, seront tout aussi utiles après. Permettre au système éducatif d’être plus accessible grâce au e-Learning devra également être considéré comme crucial après la crise. Il ne sera pas moins important au sortir de cette crise, de faciliter pour des populations démunies, une inclusion financière réelle, en reconsidérant de manière permanente les coûts des transactions financières pour les tranches de montants les plus basses, et la multiplication des services courants pouvant être payés en évitant aux usagers d’engager des coûts de transport. Les gains de productivité générés par le télétravail mériteront également une réflexion approfondie après la crise.
Mettre en place une stratégie de long terme
Seules des mesures de circonstance, conséquentes au covid-19, ne suffiront donc pas à accélérer profondément la transformation digitale de la Côte d’Ivoire. Il faudra une vraie stratégie de long terme, qui pourra être fondée sur quatre grands axes à savoir : une implication plus sincère de l’Etat à créer un cadre réglementaire catalyseur ; Initier des mécanismes de digitalisation pour les services publics majeurs de grande consommation ; Financer massivement le renforcement des systèmes de cyber sécurité et accentuer la répression judiciaire sur la cyber criminalité ; Une allocation de budgets plus importants par le secteur privé et l’Etat pour financer les innovations digitales. Il faudra donc aller au delà de la crise. Et toutes les parties devront jouer franc jeu, pour le bien du plus grand nombre.