«BATIDECOR, une belle histoire de réussite.»

Mandy DAGRY-YACE, architecte d’intérieur et décoratrice, se bat depuis plusieurs années pour intégrer dans les mœurs ivoiriennes et africaines la nécessité d’embellir son cadre de vie. BATIDECOR, son entreprise, se déploie avec force et compte former de millier de jeunes africains à cette discipline artistique. Interview.

Présentez-nous votre entreprise s’il vous plaît.

Je suis Mandy DAGRY-YACE, je me considère comme une spécialiste en bien-être intérieur. De naissance, je suis artiste. De formation, je suis architecte d’intérieur, décoratrice, coach en bien-être et manager. 

J’ai créé officieusement BATIDECOR en 1998, lorsque je m’exerçais à refaire les intérieurs de mes connaissances, pendant mes études. Le bouche à oreille et la clientèle grandissante m’ont imposé de formaliser l’entreprise en janvier 2003. De là, tout est allé très vite et l’entreprise s’est fait un nom crédible sur le marché. 

Nous avons 3 principaux axes d’intervention :

  1. Le second œuvre et les finitions en bâtiment 
  2. L’architecture d’intérieur et la décoration
  3. La formation qualifiante aux métiers de la décoration    
Comment vous est venue l’idée de créer votre entreprise ?

Je pense que j’ai toujours été entrepreneur. Très jeune, j’ai expérimenté avec les petits commerces, les techniques de gestion et je rêvais d’être à la tête d’une grande entreprise. Aujourd’hui, mon rêve est réalité. Chez moi, il n’y a pas eu de déclic, ça a toujours été une évidence. 

Déjà à l’école, je vendais de petits articles pour me faire un petit capital. Je vendais tous mes talents innés. Je savais par exemple faire des tresses, je savais faire du ‘’tôfi’’, etc.

À l’époque, on ne faisait pas vraiment la promotion de l’entrepreneuriat mais moi, je me considérais comme une femme d’affaires. Comme je l’ai dit tantôt, je me voyais fonder une grande entreprise. Je n’ai jamais pensé devenir un employé parce que je savais comment faire de l’argent. Alors, je réfléchissais profondément, relativement au secteur d’activité que j’allais attaquer pour la construction de cette grande entreprise que je rêvais de bâtir. A cette époque, il y a 25 ans, il n’y avait pas internet pour m’aider à chercher, heureusement qu’il y avait un homme, mon mentor, aujourd’hui mon époux, qui m’a poussé et m’a dit, je m’en souviens, ‘’exprimes-toi !’’

Alors, je me suis lancé. J’ai d’abord démarré avec un salon de coiffure. Ensuite, j’ai vendu de l’Attiéké au poisson, j’ai vendu dans un marché. Figurez-vous que j’ai été professeur de musique et choriste dans des studios d’arrangement ! J’ai fait plein de petits boulots pour épargner de l’argent.

J’ai l’art dans les veines, alors je me suis mise à décorer ma maison d’une façon singulière. Des amis l’ont vu et ont tout de suite voulu que je décore également leur maison. Cette histoire d’aménagement intérieur a donc démarré avec les amis pour qui je travaillais et ces derniers me recommandaient à d’autres personnes.

Pendant 05 ans, j’ai travaillé ainsi, mais dans l’informel. C’était de 1998 à 2003. Il me fallait ensuite formaliser mon activité en créant une entreprise parce que j’avais commencé à être sollicitée par des personnes morales. 

De là, je me suis pris un local digne d’une entreprise et tout est allé très vite. Nos clients étaient toujours satisfaits du travail et BATIDECOR se voyait confier des projets qu’elle exécutait de bout en bout depuis la conception jusqu’à l’aménagement d’un bureau, d’un espace. Nous avons mis en place une unité de production qui s’occupait des clients des pays de la sous-région qui nous sollicitaient.

En 2012, j’ai décidé de capitaliser toute cette expérience et la partager à ceux qui voulaient apprendre l’aménagement d’intérieur. Nous avons ainsi fondé la première école de décoration en Afrique de l’Ouest. Il y a eu un boom d’intérêt autour de ce métier et j’aidais ainsi ces personnes à se faire former ici en Côte d’Ivoire. Cela les évitait d’aller en France pour le faire et de dépenser beaucoup d’argent. D’ailleurs, cela ne leur servirait pas vraiment d’y aller parce que moi-même, je n’ai pas véritablement bénéficié de ma formation à l’étranger. Ce ne sont pas les mêmes contextes. L’architecture d’intérieur, c’est une question de relation entre l’Homme et son espace. J’ai dû énormément apprendre sur le terrain pour me faire ma propre conception de la clientèle africaine.

Nos étudiants viennent de nombreux pays ouest-africains comme le Burkina Faso, le Togo, le Cameroun, le Bénin, etc. 

En termes de chiffres d’affaires, que pèse BATIDECOR ?

Avant la crise qu’a connue la Côte d’Ivoire, nous étions autour de 2 milliards de Francs CFA de chiffres d’affaires annuels. Mais la guerre a créé une véritable cassure. Aujourd’hui, nous sommes en plein boulot pour repartir de plus belle et nous sommes approximativement à 500 millions de Francs CFA.

Combien de collaborateurs avez-vous ?

Aujourd’hui, nous sommes 22 personnes à travailler en permance dans l’entreprise. Mais nous travaillons aussi avec des saisonniers et en fonction des projets, on peut se retrouver à 60 personnes. 

On l’a attendu tout à l’heure, vous avez rencontré d’énormes difficultés dans votre parcours, pouvez-vous nous partager quelques challenges ?

Mon principal challenge a été la crise socio-politique de la Côte d’Ivoire. Vous savez, les activités artistiques n’ont véritablement d’intérêt chez la population que lorsqu’elle arrive à manger à sa faim. J’ai perdu beaucoup de choses pendant la guerre, mais je suis une championne et je sais redescendre toujours sur mes pattes comme un chat. La passion de mon boulot m’a apprise à être résiliente et à avancer.

J’estime qu’en tant qu’entrepreneur, nous devons rêver de changer le monde. Je ne peux pas comprendre qu’on soit entrepreneur et ne pas avoir la prétention de changer le monde. Celui qui vient juste pour copier son ami dans la création d’une entreprise n’est pas un entrepreneur, son entreprise ne durera pas dans le temps. Mais celui qui vient avec la ferme volonté d’améliorer le quotidien de ses semblables pourra changer le monde. Même s’il a changé une personne, il aura changé le monde parce que celle-ci à son tour pourra changer cinq autres personnes.

Comment projettez vous votre entreprise dans l’avenir ?

Il y a quelques années en arrière, nous avions ouvert notre premier bureau dans la sous-région au Mali. La guerre que nous avons connue a stoppé notre expansion. Mais d’ici cinq ans, nous comptons repartir sur une base plus solide en nous redéployant dans trois pays d’Afrique. Il nous faut absolument continuer à faire la promotion du bien-vivre, du bien-être et de l’aménagement d’intérieur.

Mon combat, c’est celui de permettre à tout le monde de vivre dans un cadre agréable, paisible et propice à la récréation de l’esprit. Ce n’est pas du tout une question de moyen. La propreté et l’ordre font partie intégrante de la décoration d’intérieur.

Au vu de votre riche parcours, vous avez certainement un message pour tous ceux qui veulent se lancer dans l’entrepreneuriat.

On naît entrepreneur. On le sait, on le sent. Ça ne se décide pas. Ce n’est pas de suivre la mode ou de faire comme la voisine. Si vous venez à l’entrepreneuriat par vocation, vous serez en mesure de surmonter toutes les difficultés qui se dresseront sur votre chemin. Je le répète, tout vient de l’intérieur de votre cœur. Il faut être convaincu qu’on veut entreprendre, qu’on veut se lancer pour changer le monde. J’encourage tous ceux qui ont cette fibre et cette conviction. L’Afrique se développe. Elle a besoin d’entrepreneurs chevronnés. Je vous remercie.

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